Compte rendu de l'Atelier : "Enseigner l'énergie, au-delà des programmes, au-delà des filières : quelles difficultés conceptuelles, quelles propositions ?"

Animateurs : Jacques Vince : Jacques.Vince@univ-lyon2.fr, Pierre Gaidioz : Pierre.Gaidioz@ac-lyon.fr
 

Présentation
Cet atelier résulte d'une demande adressée par l'Inspection générale et l'UdP à l'équipe COAST de l'UMR GRIC, CNRS - Université Lyon II, animée par Andrée Tiberghien. L'équipe COAST a en effet mené une expérimentation pendant trois années sur l'enseignement de l'énergie en première réunissant des enseignants du secondaire et des chercheurs en didactique. Les deux animateurs de l'atelier ont participé à cette expérimentation.

Durant l'atelier, nous avons présenté une partie des conclusions que nous avons tirées de cette expérimentation. Nous précisons que cela peut être généralisé à tout l'enseignement secondaire. Nous présentons ici les points que les participants ont perçus comme essentiels.

Conclusions de l'atelier
La physique reste peu appréciée des élèves malgré les réformes successives. Au-delà de la recherche de contenus motivants, de méthodes nouvelles, de l'augmentation des crédits, de l'importance grandissante des TP, de l'introduction des TIC, etc, nous pensons que deux éléments incontournables sont à prendre en considération :

La physique présentée aux élèves les déconcerte car elle leur paraît trop arbitraire ;
La physique est bien plus difficile qu'il peut y paraître a priori.


Comment enseigner une physique qui ne déconcerte pas trop  les élèves ?
Pour limiter le caractère arbitraire donné à la physique enseignée, nous pensons qu'il faut fournir aux élèves davantage de moyens d'apprécier la pertinence des affirmations du professeur et surtout la pertinence de leurs propres affirmations, de leurs propres initiatives. Pour cela, il nous semble nécessaire de leur donner des repères en leur apprenant la façon dont la physique fonctionne du point de vue de la modélisation. Nous avons eu recours à plusieurs moyens.

1°- Aider les élèves à différencier progressivement ce qui relève du monde matériel de ce qui relève de la façon d'en rendre compte à l'aide d'un modèle de la physique
Cela impose au professeur de veiller lui-même à les différencier nettement dans son discours. Il facilitera aussi cette différenciation chez ses élèves en leur fournissant le plus souvent possible un texte du modèle auquel il leur demande explicitement de se référer.
2°- Donner aux élèves des éléments de réflexion sur la modélisation
Cela consiste par exemple à :
- expliquer non seulement les choix faits par les physiciens lors d'une activité de modélisation mais aussi les raisons de ces choix
- donner les limites de validité d'un modèle, décrire son champ d'application
- expliciter le choix d'un modèle parmi plusieurs, expliciter le passage d'un modèle à un autre.
3°- Distinguer les connaissances de la physique des connaissances de la vie courante
Pour aider les élèves à prendre conscience du caractère particulier des connaissances relevant de la physique, il faut leur montrer en quoi elles se distinguent des connaissances relevant de la vie courante, comment le sens des mots de la physique peut être différent, comment certains résultats de la physique contredisent parfois le sens commun.
Il peut également être très profitable de s'appuyer sur le sens commun quand il est en accord avec la physique.
Comment prévoir et prendre en compte les difficultés des élèves ?
De nombreux travaux ont eu pour objet les difficultés des élèves. Il serait très utile pour l'enseignement de la physique qu'elles soient prises en compte dès l'élaboration des programmes. Pour que l'enseignant puisse s'y préparer face à sa classe., il faudrait qu'elles soient portées à leur connaissance dans les documents d'accompagnement en particulier, autrement que par les seules références à des articles ou à des thèses rédigés pour des spécialistes et que peu d'enseignants liront.

De nombreuses difficultés sont rencontrées par les élèves lorsqu'ils ont à rendre compte d'une situation matérielle à l'aide d'un modèle ou à faire des prévisions. 
Ces difficultés tiennent souvent à ce que le modèle auquel ils ont à se référer ne leur est pas familier et à ce que le cheminement pour aller de l'expérience à son interprétation est difficile. Cette difficulté réside aussi dans le fait que cette démarche qui implique de la rigueur est inhabituelle. 

Pour prendre en compte la complexité de la physique enseignée, il est nécessaire de permettre aux élèves de faire le cheminement, il faut lui laisser du temps pour tâtonner, élaborer progressivement son interprétation, même erronée, lui permettre d'en discuter (avec son voisin en particulier).

Généralement les enseignants, et aussi les auteurs des programmes, sous-estiment cette difficulté justement parce que le modèle et le cheminement leur sont suffisamment familiers pour qu'ils passent instantanément et sans difficulté de l'expérience à son interprétation. Cela explique en partie pourquoi les programmes sont presque toujours trop longs.
 
 

Questions soulevées au cours de l'atelier
Nous avons été amenés à nous poser la question des objectifs de l'enseignement de la physique : les contenus des programmes connaissent de tels changements d'une réforme à l'autre, notamment jusqu'en seconde, que l'on peut se demander si l'un des objectifs ne réside pas ailleurs que dans l'apprentissage de tel ou tel contenu. Finalement, un objectif implicite ne consiste-t-il pas à donner aux élèves des éléments concernant la façon dont la physique fonctionne quant à la modélisation ? Dans les textes officiels, ce point figure systématiquement dans les objectifs généraux mais disparaît des compétences exigibles et donc de la réalité de l'enseignement. Il serait nécessaire de se poser la question d'une évaluation liée à cet objectif.

Une autre question a porté sur la formation des maîtres. Les textes officiels sont rédigés par et pour des "experts" de la physique et pas assez par et pour des professionnels de son enseignement. On n'y fait pas assez allusion à l'élève, à ce que l'on connaît de son comportement, de ses réactions face à certaines situations. Cela pose la question de la formation des enseignants qui laisse une trop large part aux contenus disciplinaires et une bien trop faible aux problèmes posés par leur enseignement.

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