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Compte-rendu de l'atelier :
Comment enseigner l'énergie
dans les sections scientifiques du second degré ?
Par J.P. Faroux et F. Le Bourhis
L'atelier consacré
à l'enseignement de l'énergie dans les sections littéraires
a été annulé, faute d'un nombre suffisant de participants
inscrits. En revanche, les personnes intéressées par l'enseignement
de l'énergie dans les sections scientifiques étant nombreuses
(une cinquantaine), l'atelier correspondant est dédoublé.
Le temps imparti est évidemment
mesuré et le sujet est à la fois vaste et complexe. Dans
ces conditions, même si les discussions orientées dans d'autres
directions sont envisageables, les deux responsables ont convenu initialement
de centrer les débats sur 5 questions :
1 - La notion d'énergie est délicate : l'aborder
à un niveau élémentaire est difficile et il n'existe
probablement pas de méthode totalement convaincante.
- Introduire le concept progressivement à partir de
la notion de travail d'une force qui "agit", ainsi que le suggère
le nouveau programme, est probablement plus concret et plus simple dans
un premier temps. Mais comment quitter les systèmes élémentaires,
comment passer aux effets thermiques, électriques, et aux transformations
physico-chimiques et nucléaires ?
- Une autre voie est de postuler l'existence d'une grandeur
"énergie" avec son principe de conservation et de l'appliquer à
de situations variées. Cette méthode présente les
inconvénients d'une démarche déductive et prête
le flanc à des dérives vers un formalisme excessif.
Quels sont pour vous les avantages et les inconvénients de ces
diverses approches?
2 - Il n'est pas réellement possible de vérifier
expérimentalement le principe de conservation de l'énergie.
C'est la cohérence de l'ensemble des conséquences de ce principe
qui peut convaincre de la validité de celui-ci.
Comment analyser les expériences habituelles (qu'on peut améliorer
mais qu'on ne peut pas changer ou renouveler totalement) à l'aide
du principe de conservation de l'énergie ?
Avez-vous des idées de manipulations à la fois simples
et convaincantes ?
3 - Les écarts constatés à la conservation
de l'énergie mécanique des systèmes simples sont souvent
dus aux frottements et se traduisent en particulier par des effets thermiques.
Comment concilier l'universalité du concept d'énergie
et une interprétation des ces phénomènes ?
4 - Les questions précédentes concernent
des aspects macroscopiques de l'énergie.
Quelle doit être la place du "microscopique" (en fait au niveau
atomique et moléculaire) dans l'enseignement ?
5 - L'énergie dans les autres sciences.
Pouvons-nous préciser notre position ? Est-il possible de trouver
un compromis entre un purisme stérile et le manque de rigueur que
l'on peut souvent déceler dans l'utilisation des lois ou simplement
du vocabulaire de la physique par les disciplines voisines de la nôtre
?
En réalité, les discussions vont dans plusieurs directions,
différentes en partie selon l'atelier, les deux premières,
A et B, correspondant d'ailleurs plus ou moins au point 1.
A) L'introduction de l'énergie :
En ce qui concerne l'alternative signalée au 1 (approche
par la mécanique, plus précisément à partir
du travail d'une force, et postulat d'une grandeur, l'énergie, avec
le principe de conservation), les avis sont plus partagés qu'on
aurait pu le penser.
Les professeurs qui enseignent dans les sections littéraires
privilégient un discours un peu "journalistique" qui les
conduit à dresser un catalogue des "formes" d'énergie et
à procéder de même dans les sections scientifiques.
Ceux qui se sont davantage spécialisés dans ces dernières
préfèrent une approche par la notion intermédiaire
de travail mécanique, ce qui apparaît plus concret et est
sans doute plus immédiatement opératoire : "Déplacer
une voiture en la poussant est plus simple que de décrire le fonctionnement
d'une centrale !"
Une partie notable du temps disponible est consacrée à
l'analyse de chaque point de vue. La différence est d'ailleurs parfois
plus apparente que réelle : en effet, il s'agit souvent de la présentation
ou de l'introduction ; même si l'aspect mécanique est privilégié
pour commencer, rien n'interdit au professeur de faire une introduction
plus générale au concept d'énergie, reliée
à son emploi au quotidien, et de présenter, qualitativement,
le principe de conservation correspondant.
B) La conservation de l'énergie :
Le principe de conservation est central, au coeur du discours sur l'énergie,
et d'une façon ou d'une autre, il faut parvenir à le faire
"fonctionner", le mettre en oeuvre dans des situations diverses, pour que
l'élève se l'approprie. Les difficultés sont de deux
ordres, fondamentales (on se limite en fait à l'analyse de systèmes
"simples" ou simplifiés) et pédagogiques.
L'approche des programmes actuels est issue de la constatation que,
pour un début, la recherche systématique d'un système
isolé, intellectuellement séduisante, est en fait une démarche
peu "naturelle". Une approche plus immédiate est de faire des bilans
en analysant ce qui entre dans le système choisi et ce qui en sort.
Ainsi, dans ces conditions, lorsqu'il s'agit d'aborder l'énergie
potentielle de pesanteur, plutôt que de mettre la Terre dans le système,
on parlera d'objet dans le champ de pesanteur imposé par la Terre.
L'énergie potentielle de pesanteur n'est alors pas autre chose que
le travail de l'opérateur qui déplace lentement l'objet.
Cependant une difficulté est soulignée : la notion de
travail nécessite l'utilisation d'un formalisme mathématique
(le produit scalaire) ce qui accentue le décalage avec le programme
de physique de la classe de seconde.
La notion de chaleur est évidemment difficile et suscite des
discussions. On préférera des expressions comme "transfert
thermique" ou "transfert d'énergie par chaleur" et on
évitera soigneusement "le transfert de chaleur".
La notion d'énergie interne a seulement été abordée
mais le temps ne permettait pas d'approfondir les difficultés associées
à son introduction.
C) L'énergie en électrotechnique (dans les
études de frigoriste)
Ce thème a été abordé dans l'un des ateliers.
Les professeurs de physique doivent s'occuper de la jonction entre la théorie
(c'est-à-dire, dans la pratique, de l'utilisation correcte du premier
principe de la thermodynamique) et la réalité professionnelle.
L'assistance a appris avec quelque surprise que, dans certains secteurs,
l'industrie utilise toujours la calorie (à ne pas confondre avec
le calorique), la thermie et la frigorie. La calorie n'est évidemment
pas une unité du système international ; il en est de même
de l'électron-volt mais l'usage de cette dernière unité
est reconnue officiellement par le BIPM. Il existe de nombreuses branches
de la physique qui préfèrent utiliser des unités qui
leur sont propres ; il n'y a donc pas à frapper quiconque d'anathème
; toutefois, le joule et la calorie sont du même ordre de grandeur
et l'intérêt de cette dernière est faible. Aussi le
physicien utilise explicitement la capacité thermique massique
de l'eau et non la calorie.
D) Le passage de la mécanique à l'électricité
et aux systèmes dissipatifs :
Le point est évidemment délicat (ainsi que les nouveaux
programmes le soulignent) et ne peut être qu'effleuré, faute
de temps.
Les notions correspondantes sont abstraites. Certains participants
suggèrent que l'on évoque le travail de la force qui permet
de déplacer les électrons (par exemple), plutôt que
de parler de travail électrique. La différence de potentiel
apparaît alors comme le travail correspondant, rapporté à
l'unité de charge.
E) Aspects expérimentaux.
L'importance des techniques video est unanimement reconnue, en particulier
pour l'assimilation des notions de vitesse, de force ; mais cet outil paraît
moins performant pour les tests de conservation de l'énergie mécanique.
F) Enseignement de la physique.
Dans l'un des ateliers, des problèmes plus généraux
de l'enseignement de la physique ont été évoqués.
Ne pas cacher que la physique est "difficile" et tenir compte du décalage
avec la classe de seconde.
Prendre du temps pour permettre l'assimilation des concepts
Insister à tout niveau, de l'école au lycée, sur
la qualité indispensable des observations avec l'exigence permanente
: savoir ce que l'on observe et dans quel but.
En guise de conclusion, tous les participants sont conscients des
difficultés que pose l'introduction du concept d'énergie,
mais que son rôle est central non seulement pour la discipline physique
mais aussi pour la formation du citoyen éclairé, et toute
aide d'ordre pédagogique ou fondamental est pour cela toujours bienvenue.
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