Lénergie éolienne : Etat de lart et perspectives de développement

Jean-Louis Bal, Directeur Adjoint du Bâtiment et des Energies Renouvelables - ADEME
 

1. Introduction

1.1 Définition et principales caractéristiques des énergies renouvelables
Sont considérées comme énergies renouvelables toutes les énergies issues du soleil, directement (énergie solaire) ou indirectement (énergie éolienne, hydraulique et biomasse), lénergie issue du magma terrestre (géothermie), et lénergie issue de la gravitation (énergie marémotrice). Les diverses énergies que lon pourrait tirer des océans telles que lénergie de la houle, des courants marins ou du gradient thermique des mers sont également issues indirectement de lénergie solaire et font partie du champ des énergies renouvelables.

Elles sont inépuisables mais en quantité limitée à un endroit et un instant donné. Dans le cas de la biomasse, le caractère renouvelable nest réel que si lon veille à la pérennité de la ressource. Cest le cas dans un pays comme la France où la croissance en volume de la ressource forestière est supérieure à lexploitation qui en est faite. Par contre, dans nombre de pays en développement, notamment en Afrique, la forêt est en nette régression et seule une bonne gestion de la ressource permettra de considérer à nouveau la biomasse comme une énergie renouvelable. La gestion dune ressource géothermale doit tenir compte du fait que celle-ci nest pas nécessairement renouvelable localement à une échelle de temps humaine. Lépuisement peut être du à une diminution de pression du fluide caloporteur et, dans ce cas la ré injection est souvent la solution. Mais le déclin peut aussi être énergétique. On a affaire à une ressource naturelle souterraine et complexe dont seule une modélisation permet une bonne gestion.

Elles nont que peu dimpacts négatifs sur lenvironnement. En particulier, leur exploitation ne donne pas lieu à des émissions de gaz à effet de serre ou à des déchets dangereux. Elles peuvent toutefois avoir des impacts visuels, sonores ou sur la faune ou la flore. Leur utilisation doit donc répondre à certains principes et réglementations pour limiter ces impacts locaux. La superficie «consommée » par les centrales utilisant les énergies renouvelables peut être relativement grande mais il faut être prudent dans les comparaisons. Par exemple, la surface nécessaire à limplantation dune ferme éolienne est de 1 km2 pour 8 MW, mais 99 % de cette surface reste utilisable pour dautres fonctions telles que lagriculture ou lélevage. De la même manière, il faut environ 10 m2 de modules photovoltaïques pour produire 1 kW de puissance, mais ces 10 m2 peuvent être partie de surface ayant déjà une utilisation comme celle dune toiture de bâtiment et la surface occupée peut être considérée comme nulle.
Un élément important pour évaluer la valeur dun type dénergie est la puissance qui peut être considérée comme garantie par cette énergie. De ce point de vue, la situation des EnR est extrêmement variable dune technologie à lautre et dun contexte à lautre. La géothermie fournit une énergie et une puissance garantie et peut donc fonctionner en base, alors que le solaire et léolien sont des énergies intermittentes. Entre les deux, lhydroélectricité et la bioélectricité offrent plus de souplesse avec des capacités de stockage variables suivant les contextes. Ainsi, une centrale fonctionnant à la bagasse(résidu ligneux de la canne à sucre) ne peut stocker celle-ci que quelques jours du fait de son volume et de sa capacité dauto-inflammation. A linverse, une centrale hydraulique, même si sa capacité de stockage est limitée pourra à certaines heures absorber les excédents de production dautres centrales en leur permettant donc de fonctionner avec une meilleure efficacité. Le solaire et léolien, même sils sont intermittents et relativement aléatoires, peuvent avoir une valeur en terme de puissance électrique conventionnelle évitée pour les réseaux si les pointes de consommation sont simultanées à loccurrence de ces énergies et que le foisonnement des sources dispersées est suffisant. Ce peut être le cas du solaire et de la consommation engendrée par la climatisation ou de léolien et de la pointe de consommation en hiver.
On conçoit néanmoins que le stockage de lénergie, même sur quelques heures, puisse apporter une grande valeur ajoutée aux EnR et que cela sera un important thème de recherche pour les années à venir.
En dehors de  quelques niches de marché et hormis lhydroélectricité, les EnR ne sont pas encore pleinement compétitives sur un plan économique. Leur développement demandera encore un soutien financier publique continu à tout le moins tant que leurs avantages environnementaux et sociaux nauront pas reçu de contrepartie économique. Un mode de soutien sest avéré particulièrement efficace dans le domaine de la production délectricité : la bonification du tarif dachat du kWh produit. Aucun système équivalent na été imaginé, à ce jour, pour les usages thermiques, ce qui explique le développement plus dynamique des filières électriques, en particulier lénergie éolienne.

1.2 Lénergie éolienne
Le développement récent des technologies de conversion en électricité de lénergie éolienne trouve sa justification dans les préoccupations environnementales, particulièrement le changement climatique dû en grande partie aux émissions de gaz carbonique, et dans le besoin de beaucoup de pays de réduire leur dépendance énergétique. Le dernier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur lEvolution du Climat) qui sera soumis à lapprobation cet automne 2001 confirme et amplifie les prévisions pessimistes des précédents rapports. Le réchauffement prévu en 2100 est compris entre 1.4 et 5.8 °C. La prévision la plus pessimiste de laugmentation du niveau général de la mer est de moins dun mètre en 2100, mais il faut noter  que, par un effet dinertie, ce niveau continuera à sélever pendant plusieurs siècles même si le réchauffement de la planète était stoppé en 2100. Le GIEC prévoit par ailleurs des effets importants sur les pluies extrêmes notamment dans lhémisphère Nord. (pour en savoir plus : www.effet-de-serre.gouv.fr).

Lénergie éolienne est lune des plus économiques options «énergies renouvelables » permettant de réduire les émissions de CO2 provenant de la production délectricité. On pourrait se dire que, lélectricité éolienne se substituant à de lélectricité nucléaire qui német pas de CO2, leffet sera nul de ce point de vue. Ce serait oublier que de nouvelles capacités de production délectricité seront nécessaires dici à 2010 pour environ 100 térawatt-heures par an(la consommation française actuelle est de 450 TWh/an)et que les centrales à cycles combinés au gaz sont aujourdhui les plus compétitives et quelles émettent du CO2. Cest donc à elles que se substitueront pour partie les centrales éoliennes.
LEurope est pourvue dun généreux gisement éolien, en particulier la France qui dispose du second gisement européen après le Royaume-Uni. Lestimation purement technique que lon peut faire du potentiel éolien français est que lon pourrait produire 66 TWh/an en exploitant 10 % des zones terrestres Où la vitesse annuelle moyenne du vent est supérieure à 6 m/sec. Le potentiel en mer est moins bien connu mais probablement encore supérieur. LUnion Européenne doit adopter avant la fin 2001 un directive concernant la production délectricité dorigine renouvelable en vue, notamment de répondre aux engagements du Protocole de Kyoto. Elle prévoit de faire passer la part des EnR dans la production délectricité européenne de 13 à 22 %. Lénergie éolienne devrait être le principal contributeur à cette augmentation. La Commission prévoit une puissance éolienne installée en Europe de 40.000 MW en 2010 et la tendance actuelle confirme la faisabilité de cet objectif.
 

2. La conversion en électricité de lénergie éolienne
Un aérogénérateur est constitué dun rotor (éolienne) couplé à un générateur délectricité. Ils peuvent être à axe vertical ou à axe horizontal. Cest ce dernier type qui sest imposé durant ces 2 dernières décennies.

Lorsque le vent entraîne les pales du rotor, celles-ci font tourner un arbre lent, un multiplicateur, et un arbre rapide et finalement le générateur. Les aérogénérateurs modernes sont conçus pour atteindre leur puissance nominale à environ 15 m/s de vitesse de vent et sont arrêtés automatiquement vers 25 m/s. Pour limiter la puissance qui augmente avec le cube de la vitesse du vent, il est nécessaire de prévoir un système de régulation. On distingue deux types de systèmes de régulation :

- pas fixe (stall) : cest la forme géométrique de la pale qui fait chuter le rendement aérodynamique et permet de maintenir la puissance presque constante au-dessus de la vitesse de régulation,
- pas variable : les pales sont mobiles autour de leur axe longitudinal. Le pas est augmenté quand la vitesse du vent devient trop importante de manière à réduire la portance et donc le couple moteur.
Les génératrices peuvent être du type synchrone (couplage indirect) ou asynchrone (couplage direct).

Le freinage des pales peut se faire de façon aérodynamique (en extrémité de pale pour les machines stall) ou mécanique (frein à disque).

Les rotors peuvent être mono- pale ou plus fréquemment bi ou tripales, et à vitesse fixe, semi-variable ou variable. Les rotors à vitesse variable, actuellement encore minoritaires, vont probablement se généraliser dans lavenir, malgré le coût de leur électronique de puissance, du fait de leur meilleur rendement et, surtout, de leur plus faible bruit. Le constructeur français Jeumont Industrie est lun des industriels qui sest engagé sur cette voie.

Les éoliennes commercialement disponibles se situent aujourdhui dans la gamme de 500 kW à 1.500 kW de puissance unitaire, soit des diamètres de rotor allant de 40 à 60 m. Des prototypes déolienne dune puissance supérieure à 2.000 kW sont en phase de test et  les constructeurs envisagent des puissances unitaires de 3 à 5 MW rendre compétitives les centrales éoliennes en mer.
 

3. Le montage dun projet éolien
La sélection dun site pour limplantation dune ferme éolienne nécessite lévaluation et la mesure de la ressource en vent, létude des conditions de raccordement au réseau électrique, les conditions daccès routier, lanalyse des contraintes environnementale et réglementaires, les négociations foncières et la concertation avec les populations riveraines.
La sélection dun ou, de préférence, plusieurs sites se fait à partir de cartographie informatique établie par lADEME sur les régions les plus ventées de France. Il faut ensuite instrumenter le site et y mesurer la vitesse et la direction du vent pendant au moins une année pour être en mesure de calculer avec précision la production future de la centrale et, partant, pouvoir estimer sa rentabilité économique. Parallèlement, il faut étudier les possibilités de raccordement au réseau avec le gestionnaire du réseau, la tension de raccordement(20 ou 63.000 Volts) et la planification dun éventuel renforcement de ce réseau sil est trop faible pour évacuer la puissance produite.
 Les données techniques sont alors suffisantes pour établir les coûts, vérifier la viabilité économique et établir le plan de financement avec les institutions financières.
Vient ensuite létape de la déclaration de travaux. Le dossier doit comporter toutes les informations qui permettront aux services de lEtat, représenté par le Préfet de département, de statuer sur cette déclaration : situation et détails dimplantation des équipements(éoliennes, bâtiments éventuels, équipements de raccordement) ainsi que des documents permettant dévaluer les impacts environnementaux. A partir dun investissement de 12 MF, soit environ 2 MW, létude dimpact est obligatoire.
Les impacts à analyser sont les suivants :

- impacts sur le milieu biologique, les oiseaux, la végétation et tout le milieu physique particulièrement pendant la phase des travaux.
- impacts sur le milieu humain, notamment les dangers potentiels(chute de pales), les nuisances sonores et, surtout, linsertion paysagère.
Les impacts sur les oiseaux et les nuisances sonores font partie des contrevérités les plus répandues à propos de lénergie éolienne. Les observations des oiseaux à proximité des parcs éoliens montre, dune part, que la majorité des espèces migratrices modifient leur comportement à lapproche des éoliennes et, dautre part, que lavifaune nicheuse les intègre dans son aire de vie. Pour des animaux dont la vue est le sens le plus développé, les éoliennes, objets en mouvement et à la taille imposante, sont parfaitement perceptibles. La mortalité moyenne observée autour des fermes éoliennes varie entre 0.2 et O.8 oiseaux tués par MW et par an. Limpact peut toutefois être différent dune espèce à lautre et cest pourquoi une étude particulière à chaque site est nécessaire.
Quant au bruit, une éolienne moderne produit un niveau sonore de 45 dB(décibel) à 150 m ce qui est un bruit inférieur à celui dun bureau ou dune maison à lheure du repas. Le bruit dun parc de 30 éoliennes est de 45 dB à 500 m. De plus, dés que le vent dépasse un certain seuil(environ 8 m/sec soit 30 km/h) le bruit du vent couvre celui de léolienne. Il est néanmoins recommandé de ne pas construire déoliennes à moins de 500 m dune habitation.
Linsertion paysagère, quant à elle, est évidemment une question assez subjective. Certains apprécieront lesthétique des éoliennes, dautres les trouveront particulièrement laides. Après tout, la construction de la Tour Eiffel a suscité beaucoup dopposition en son temps et, aujourdhui, personne ne songerait à la démanteler. Les paysages constellés déoliennes feront un jour partie intégrante de notre culture. Il existe cependant des méthodes et des règles  qui permettent de favoriser une harmonie visuelle dés la conception dun projet éolien. Enfin, noublions pas que la présence dune éolienne nest pas irréversible et, quà lissue de son exploitation, le paysage peut retrouver son aspect initial si les populations concernées en décidaient ainsi. 

4. Léconomie de lénergie éolienne
Le premier niveau danalyse est celui du coût global actualisé (CGA) du kWh produit. Il prend en compte les dépenses dinvestissement initial et les dépenses actualisées annuelles dexploitation et dentretien et maintenance sur la durée damortissement estimée à 15 ans dans le cas de ferme éolienne.

CGA = Iu (Ka + Kem)/Nh

Nh = nombre dheures de fonctionnement annuelles équivalent à la puissance nominale. Nh est pratiquement proportionnel à la vitesse annuelle moyenne du vent sur le site. Pour un bon site           (7 m/sec), Nh = environ 2600.

Iu = investissement unitaire (FRF/kW)

Ka = coefficient dactualisation

Kem = coefficient dexploitation et entretien maintenance
         = dépenses annuelles rapportées à linvestissement initial.

Le 2ème niveau danalyse est le critère de rentabilité pour un investisseur, le taux denrichissement relatif en capital (TEC).

TEC = valeur actualisée nette rapportée à linvestissement = VAN/I.

VAN = Valeur Actualisée Nette

I = Investissement initial

TEC = Tv.Nh/Ka.Iu-(1+Kem/Ka)

Où Tv est le tarif de vente du kWh 


Le bon tarif de vente est celui qui permet davoir un taux denrichissement en capital supérieur à zéro et de faire un placement dans le projet meilleur quun placement financier réalisé à un taux dintérêt égal au taux dactualisation. En tout état de cause, Tv devra être supérieur à CGA.
 

Exemple : une ferme éolienne de 6 MW produisant 15 GWh/an (soit Nh = 2500 h), coûtant 7.000 FRF/kW à linvestissement amortie sur 15 ans avec un taux dactualisation de 8 % et un coefficient dexploitation de 2 %, aura un CGA = 0,38 FRF/kWh.

La même ferme, avec un tarif de 0,45 FRF/kWh aura un TEC de 20 % sur 15 ans.
Dans une filière émergente comme lénergie éolienne, on considère quun TEC = 30 % est nécessaire, dune part, pour compenser ce qui est perçu comme un risque par les investisseurs et, dautre part, pour permettre à lindustrie éolienne de réinvestir dans son développement.
Cest sur ces principes que le Secrétariat dEtat à lIndustrie sest appuyé pour déterminer le tarif dachat du kWh éolien en France qui a été publié en juin dernier.

5. Le marché et ses perspectives de développement
Le développement du marché, initié au début des années 1980, sest amplifié à partir de 1992 (2.278 MW installés) pour atteindre 17.542 MW installés en fin 2000. La contribution de lénergie éolienne correspondait alors à 0,20 % de la production mondiale délectricité. La croissance est très forte (de lordre de 3 à 4.000 MW par an). Si le marché poursuit sa tendance actuelle, la capacité installée en Europe devrait être de 73.000 MW en 2010.Il est aujourdhui situé principalement dans trois pays qui sont lAllemagne, le Danemark et lEspagne qui ont mis en place depuis plusieurs années une tarification incitative de lélectricité produite.

Dans le cadre du projet de directive européenne sur lélectricité de source renouvelable, la France sapprête à sengager à atteindre une production délectricité de source renouvelable de 21 % de sa consommation délectricité en 2010, contre 15 % aujourdhui.

Compte tenu de laugmentation prévue de la consommation délectricité et dun effort volontariste de maîtrise de cette consommation, cet engagement devrait conduire à une production annuelle moyenne de 40 TWh/an délectricité à partir de nouvelles sources dénergie renouvelable, essentiellement à partir dénergie éolienne.

Pour parvenir à cet objectif, la France sest dotée dune tarification dachat de lénergie éolienne de lordre de 0,46 FRF/kWh pour un site moyen à 7 m/s (vitesse annuelle moyenne). Pour les autres vitesses de vent, le tarif est adapté pour permettre une rentabilité industrielle jusquà 6 m/s. Ce tarif devrait faire passer la puissance installée en France de 70 MW en fin 2000 à 4.000 MW en 2006 et 10.000 MW en 2010. A ce stade, la production délectricité éolienne serait denviron 25 TWh/an et apporterait donc la plus importante contribution à la réalisation de lobjectif français prévu par la directive européenne.

6. Pour en savoir plus
Stage Eole de lADEME :- www.ademe.fr
                                       -Thérèse Giordano therese.giordano@ademe.fr

Guide de lénergie éolienne 
       - Collection Etudes et Filières
         Fondation Energies pour le Monde, 146 rue de lUniversité, 75007 Paris
                                                                               Tel 0144180080 fax 0144180036 

www.fondem.org

Sites WEB :  www.ewea.org  site de la European Wind Energy Association (EWEA)

Pour approfondir les aspects techniques, économiques et scientifiques :
                 www.windpower.dk (en anglais)

 Périodique : Systèmes Solaires
                  www.systemes-solaires.com

                  Windpower Monthly
                  www.windpower-monthly.com
 

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