LA PHYSIQUE ET SES IMPLICATIONS
"Du fondamental au quotidien"


 

LA NON-LOCALITE QUANTIQUE

 

Valerio Scarani
valerio.scarani@physics.unige.ch

GAP-Optique, Université de Genève

 

Il est bien connu que les phénomènes quantiques comportent des aspects étonnants. Par exemple, dans des expériences d'interférence à une seule particule, tel le montage des fentes de Young, on constate qu'une « particule » quantique est un objet « délocalisé », c'est-à-dire qu'elle explore tous les chemins possibles.

Des comportements encore plus étonnants que la délocalisation peuvent être mis en évidence en étudiant des systèmes composés par au moins deux particules – par exemple deux photons, ou un électron et un atome... On parle d' intrication (en anglais, entanglement ) entre les propriétés des sous-systèmes. Même si l'intrication est connue depuis longtemps au niveau du formalisme, seuls les travaux théoriques de John Bell (1964) et les expériences inspirées de ceux-ci (Aspect et collaborateurs, 1981-82) ont permis d'en mettre en évidence le caractère fortement non-classique.

Le montage expérimental le plus simple qui permet d'étudier l'intrication est le suivant : deux photons A et B sont produits par une même source et sont ensuite envoyés à grande distance l'un de l'autre. Si on effectue une mesure sur chacun des photon, on constate que les résultats des mesures sur A sont corrélés avec les résultats des mesures sur B. En étudiant de près cette corrélation, on se rend compte qu'elle n'est pas explicable en de termes classiques. D'une part en effet, étant donné que les photons sont distants, la corrélation ne peut pas être due à un échange d'information, car l'hypothétique signal devrait se propager plus vite que la lumière. D'autre part, on peut aussi montrer que les corrélations ne dérivent pas uniquement de la préparation commune (critère de la violation des inégalités de Bell) : elles s'établissent vraiment au moment de la mesure. Puisque des corrélations s'établissent à distance sans besoin d'un signal, on parle de non-localité quantique .

Alors que les interférences obtenues dans les fentes de Young peuvent être obtenues avec une onde classique (et ont donc suggéré l'image traditionnelle du « dualisme onde-corpuscule »), aucun système physique classique ne peut donner lieu à des corrélations non-locales. C'est pourquoi l'intrication est considérée depuis quelques années comme le vrai cœur de la physique quantique.

L'exposé sera structuré comme suit :

  1. Description générale de la famille d'expériences permettant de mettre en évidence les corrélations quantiques entre deux particules.
  2. Dérivation de l'inégalité de type Bell inventée par Clauser, Horne, Shimony et Holt pour tester les corrélations quantiques à deux particules.
  3. Présentation de l'argument de non-localité de Greenberger, Horne et Zeilinger qui met en jeu trois particules.