Les arômes du milieu interstellaire

Aude SIMON, chargée de recherche au CNRS en chimie-physique, a effectué sa thèse (1999-2002) au laboratoire de chimie-physique de l ’Université Paris XI (Orsay) où elle a été initiée aux calculs de chimie quantique et aux expériences de spectrométrie de masse. Sa thèse a contribué à la compréhension de processus élémentaires pour la chimie organométallique en phase gazeuse. Aude Simon a notamment participé aux premières expériences de spectroscopie infrarouge de complexes organométalliques en phase gazeuse réalisées au Centre Laser Infrarouge d’Orsay (CLIO, Université Paris XI). Ces expériences ont marqué le début d’un nouvel axe de recherche du laboratoire et ont bénéficié d’un large impact international avec un domaine d’applications qui s ’est considérablement étendu, notamment aux systèmes d’intérêt biologique.

En 2003-2004, Aude Simon a effectué un stage post-doctoral à l ’Université de Waterloo (Ontario, Canada) où elle a mené de front expériences de spectrométrie de masse sur un dispositif original et calculs de chimie quantique. Ses travaux ont permis la détermination de grandeurs thermodynamiques de systèmes d’intérêt biologique, notamment d’entropies de réaction extrêmement délicates à évaluer, et ont marqué le début d’un nouvel axe de recherche au laboratoire.

Depuis 2005, Aude Simon est chercheur au Centre d’Etudes Spatiales des Rayonnements (CESR) à Toulouse. Sa recherche est motivée par la volonté de comprendre les process us physico-chimiques du milieu interstellaire. Elle fait partie de l’équipe de travail constituée autour du dispositif expérimental PIRENEA, dédié à l ’astrochimie, construit sous la direction de Christine Joblin (Directeur de recherche au CNRS). Aude Simon s ’intéresse en particulier à la physico-chimie de molécules PAH (Polycyclic Aromatic Hydrocarbons) coordonnées à des hétéroatomes comme le fer et le silicium. Elle collabore étroitement avec le Laboratoire de Chimie et Physique Quantiques (Université de Toulouse-UPS/CNRS) qu’elle s’apprête à rejoindre et bénéficie de collaborations nationales (Bordeaux, Orsay...) et internationales (Allemagne, USA...).

Notre recherche entre dans un cadre général qui est la volonté d’ avancer dans la compréhension de la physico-chimie des régions de photodissociation du milieu interstellaire (MIS). Ces régions, situées en bordure des nuages moléculaires, sont soumises au rayonnement UV des étoiles. Nous nous intéressons en particulier à la physico-chimie de complexes moléculaires et de nanograins dérivés des hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH), reconnus comme étant une composante importante du MIS. Notre recherche part toujours d’un diagnostic observationnel qui soulève un questionnement sur la nature des espèces présentes dans le milieu et leur physico-chimie. Nous formulons des hypothèses qui sont testées par des expériences de laboratoire et des méthodes théoriques dédiées.

Les conditions du MIS sont très difficiles à mimer en laboratoire. Au Centre d’Etude Spatiale des Rayonnements (CESR, Université de Toulouse-CNRS), le piège à ions froid PIRENEA (Piège à ions pour la recherche et l’étude de nouvelles espèces astrochimiques), conçu sous la direction de Christine Joblin, permet de piéger et d’isoler des espèces ioniques dans des conditions de basse pression (P ≈ 10-11 mbar) et de basse température (T=30 K), et d’en étudier la photostabilité, la spectroscopie et la réactivité vis-à-vis de molécules neutres. Des études théoriques sont effectuées en lien avec l’expérience ou pour accéder à des grandeurs thermodynamiques, dynamiques et spectroscopiques inaccessibles expérimentalement. Ces études nécessitent une étroite collaboration entre astronomes, astrophysiciens, physico-chimistes et chimiste théoriciens. Sur le plan local toulousain par exemple, elles impliquent des laboratoire aussi différents que le CESR, le laboratoire de chimie et physique quantiques (LCPQ, Université de Toulouse-CNRS) et le laboratoire de physique et chimie des nano-objets (LPCNO, Université de Toulouse, INSA-CNRS).

Les PAH sont proposés pour être les espèces émettrices des bandes aromatiques infrarouges (AIB) observées dans de nombreuses régions du milieu interstellaire. En dépit de nombreuses études spectroscopiques expérimentales et théoriques, les AIB n’ont pu être attribuées à un PAH individuel. Nous montrons par exemple que la présence de complexes SiPAH + dans le MIS est en accord avec certaines caractéristiques de ces bandes. La grande abondance des PAH soulève la question de leur survie dans les conditions interstellaires, ainsi que celle de leur formation, pour laquelle un processus catalytique, impliquant potentiellement des atomes de fer supportés par des grains interstellaires, peut être envisagé. Des données récentes de spectro-imagerie montrent également que les PAH sont produits à la surface irradiée des nuages moléculaires par photo-évaporation de très petits grains carbonés. Nous cherchons de bons candidats pour ces très petits grains, leur structure devant être compatible avec les données astronomiques. Nos études nous ont conduits à proposer des agrégats de PAH neutres, chargés, voire incluant des atomes de fer.

Je présenterai quelques résultats relatifs à la photostabilité et à la spectroscopie de complexes et de nanograins constitués de molécules PAH éventuellement coordonnées à un hétéro-atome (Si,Fe), ainsi que les approches expérimentales et théoriques utilisées.