La matière noire

Julien LA VALLE est chercheur en physique théorique, actuellement au département de physique théorique de l'Université de Turin. Il travaille essentiellement sur la phénoménologie de la matière noire et du rayonnement cosmique.

En particulier, il explore les possibilités de détecter une classe de matière noire qui aurait la propriété de pouvoir s'annihiler à un taux infime mais suffisant pour laisser une empreinte dans le rayonnement cosmique (particules très énergétiques – électrons et noyaux légers, essentiellement – diffusant dans les galaxies) ou électromagnétique (toutes les fréquences accessibles aux photons) observé sur Terre.

Les manifestations les plus prometteuses sont en effet des signatures émanant du spectre de l'antimatière cosmique, très rarement produite dans les processus connus, et/ou de celui du rayonnement électromagnétique d'ultra haute fréquence (rayonnement dit gamma) – sa thèse, soutenue en 2004 et effectuée au laboratoire de physique théorique et astroparticules de Montpellier, portait sur l'hypothèse d'une matière noire constituée de particules dites supersymétriques et sur la possibilité de la détecter avec le télescope gamma CELESTE.

Outre ces aspects reliés à des théories des particules au-delà du modèle standard, il travaille également sur le rayonnement cosmique, plus précisément sur l'étude de sa propagation dans la galaxie et sur la caractérisation de sa composante astrophysique naturelle.

Il est en effet essentiel de bien comprendre les aspects standards afin de déterminer les zones spectrales les moins ambigües pour la mise en évidence de signaux d'origine exotique.

Par ailleurs, le rayonnement cosmique se révèle être un bon traceur de certaines propriétés des galaxies elles-mêmes, et une meilleure compréhension de celui-ci pourra être exploitée pour extraire de l'information sur ces dernières, sur la nôtre en particulier.

Il s 'emploie à mener ses recherches théoriques en lien étroit avec les données des expériences, l'observation étant la manière ultime de valider ou d'infirmer toute forme cohérente de représentation physique de notre univers et de ses constituants. Il a d'ailleurs lui-même été, par le passé, impliqué dans des expériences d'astrophysique des hautes énergies (expériences CELESTE et ANTARES).

Avec les développements considérables qu'a connus la physique moderne, autant d'un point de vue théorique qu'expérimental, il est aujourd'hui possible d'avoir une représentation cohérente du cosmos à presque toutes les échelles, de l'infiniment petit à l'infiniment grand.

La sagacité acquise en cosmologie permet même depuis peu de faire un bilan énergétique de l'Univers dans son ensemble, et en particulier de déterminer les quantités de matière et de rayonnement ainsi que la courbure moyenne de l'espace-temps.

Ce bilan établit que notre univers est « plat », que son expansion est en accélération, et que la matière est très majoritairement constituée d'une composante inconnue (à 85%), invisible, et n'interagissant que gravitationnellement avec la matière ordinaire qui constitue notre environnement visible. L'accélération de l'expansion est associée à une force répulsive qualifiée « d'énergie noire », alors que cette matière inconnue est quant à elle affublée du sobriquet tout aussi inquiétant de « matière noire ».

Ces vocables traduisent en réalité le fait que bien que l'univers puisse être extrêmement bien décrit et compris avec des ingrédients simples, dont les caractéristiques principales sont bien élaborées, l'origine de la majeure partie d'entre eux n'est touj ours pas déterminée et demeure spéculative, tout du moins pour l'heure. Ces composantes sombres font parties des énigmes les plus importantes de la physique fondamentale moderne. Mais les pistes poursuivies se resserrent à la lueur des avancées théoriques les plus récentes et des expériences en cours, à la fois en astrophysique, en cosmologie et en physique des particules.

A l'occasion de ce cours, je développerai la question de la matière sombre, en tâchant d'expliquer comment elle touche toutes les échelles de l'Univers, de l'échelle des galaxies à l'échelle du cosmos. Je montrerai comment ce problème cosmologique et astrophysique peut être relié à l'infiniment petit des particules élémentaires, et comment les propriétés quantiques de cette matière sombre sont pourchassées de manière directes et indirectes par de nombreuses expériences, au moyen de télescopes (comme par exemple le satellite Fermi de la NASA, ou l'expérience HESS) autant qu'au moyen d'accélérateurs de particules (comme le LHC au CERN).