e2phy 2013
Entre Lumière et Matière
Université de Limoges
26 au 29 août 2013








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L'anti-hydrogène, l'atome que l'Univers n'a pas pu faire


Niels Madsen
N.Madsen@swansea.ac.uk

Department of Physics, Swansea University, SA2 8PP Swansea, United Kingdom



Résumé :

   Au début du temps il n’y avait que de l’énergie, l’univers étant trop chaud pour que la matière ait pu exister. Quand finalement la température était assez basse, la matière et l’antimatière se sont formées en symétrie, l’antimatière étant comme une image miroir de la matière. Mais quelque chose a dû arriver peu après, étant donné qu’aujourd’hui il n’y a plus d’antimatière dans l’univers. C’est ce mystère que nous cherchons à éclaircir.

   L’anti-hydrogène est l’atome d’antimatière le plus simple. Il n’existe pas dans la nature, et il n’a jamais existé avant que l’homme ait décidé de le créer. En faisant des comparaisons entre l’anti-hydrogène et l’hydrogène, on espère contribuer à la compréhension de ce mystère.

   Comme les antiatomes n’existent pas, il faut d’abord les créer à partir d’antiprotons et d’antiélectrons. Mais créer de l’antimatière demande beaucoup d’énergie ; la fameuse équation d’Einstein E = mc2. L’énergie requise est 1000 fois plus élevée que l’énergie dégagée lors de la fusion de deux atomes d’hydrogène. Ce processus est celui fournissant au soleil son énergie. La création d’antimatière ne peut donc se faire que par petites quantités, environ un millier d’atomes à la fois.

   Un atome d’hydrogène est constitué d’un proton et d’un électron. L’anti-hydrogène est donc constitué d’un antiproton et d’un antiélectron (positon). Les antiprotons sont les plus massifs et pour les créer, il faut un grand accélérateur de particules. Les expériences se font pour cette raison au CERN à Genève. Le positon, étant beaucoup moins massif, est produit naturellement dans certaines désintégrations nucléaires, et il est relativement facile de le récupérer directement d’une telle source radioactive.

   L’expérience ALPHA (Antihydrogen Laser PHysics Apparatus) a réussi à combiner des antiprotons à des positons de manière à créer de l’anti-hydrogène. Il faut néanmoins encore pouvoir le stocker en l’isolant, car s’il entrait en contact avec de la matière, il s’annihilerait et libèrerait toute son énergie. Comme l’anti-hydrogène est neutre, il n’est pas sensible aux champs électriques, utilisés pour guider les antiprotons et les positons. Un atome d’anti-hydrogène génère par contre un petit champ magnétique, et celui-ci peut être utilisé pour le piéger. Une espèce de piège peut donc être construit à l’aide de champs magnétiques externes. Un tel piège est néanmoins très peu profond. Exprimé en température, la profondeur maximale du piège est de 1 degré au dessus de zéro absolu. Ceci pose donc de très grandes difficultés pratiques pour stocker l’anti-hydrogène. Nous allons voir comment nous avons réussi à piéger plus de 300 atomes d’anti-hydrogène, malgré le fait que nous n’arrivons à en piéger qu’un seul par expérience.

   Le but de notre expérience est de comparer l’anti-hydrogène avec l’hydrogène. Les spectres atomiques des deux atomes doivent être identiques. Cette hypothèse est au cœur des lois de la physique, et une différence même infime engendrerait des changements profonds dans notre compréhension de l’Univers. Une telle différence pourrait expliquer l’absence d’antimatière dans l’Univers.

   Un grand pas vers des mesures de précision de l’anti-hydrogène a été franchi en 2012, en effectuant pour la première fois une transition quantique dans l’antiatome. En utilisant des micro-ondes, le champ magnétique de l’antiatome a pu être influencé de telle manière à ce qu’il change de direction. L’antiatome n’était ainsi plus dans une configuration permettant au champ magnétique de le piéger, et a pu quitter le piège. Cette expérience a pu être réalisée avec un seul atome à la fois, et nous avons pu jeter un premier coup d’œil sur la structure d’un antiatome.



Pour en savoir plus

- M. Charlton, S. Eriksson, C. A. Isaac, N. Madsen and D. P. van der Werf, Antihydrogen in a bottle , Physics Education 48, (2013) [ doi:10.1088/0031-9120/48/2/212].

- N.Madsen,Cold antihydrogen: a new frontier in fundamental physics, Roy. Soc. Phil. Trans A, 368, 3671 (2010) [DOI: 10.1098/rsta.2010.0026].

- M. Charlton, S. Jonsell, L. V. Jørgensen, N. Madsen and D.P. van der Werf, Antihydrogen for precision tests in physics , Contemporary Physics 49 (2008).



Notice biographique :

   Niels Madsen est professeur associé à l’université de Swansea en Royaume-Uni. Originaire du Danemark, où il a fait son doctorat en physique expérimentale à l’Université d’Aarhus en 1998, il a ensuite passé trois ans au CERN comme boursier.

   En travaillant sur le décélérateur d’antiprotons, il a commencé à s’intéresser à la physique de l’anti-hydrogène. En 2002, avec la collaboration ATHENA, il a réussi à faire les premiers atomes d’anti-hydrogène à basse énergie. En 2005, il a fondé avec d’autres collaborateurs la collaboration ALPHA.

   En 2010 l’expérience ALPHA a réussi à piéger les premiers atomes d’anti-hydrogène, et en 2011 ceux-ci ont pu être maintenus dans le piège pendant 16 minutes. Cette réussite leur a permis de faire en 2012 les premiers pas vers la spectroscopie en faisant la première transition quantique dans un antiatome.

   En 2010, Niels Madsen était boursier senior dans la société royale (Royal Society Senior Leverhulme Fellow), élu pour ses exploits dans les préparations pour la capture des antiatomes, et en 2011 il a reçu le médaille James Dawson pour l’excellence dans la recherche dans la physique des plasmas pour le même travail. Il est Fellow dans l’Institut de Physique (IoP) et membre de l’APS (American Physical Society).